Se lever à 6h00 un samedi matin d'octobre, ça n'est pas un acte naturel chez moi. Ça me crève le coeur de quitter ma couette qui me susurre : "reste avec moi, il fait si froid et nuit dehors, on est si bien tous les deux, et puis c'est samedi, tu peux enfin passer un peu de temps avec moi...".
Après une douche et un café serré, je suis juste assez opérationnel pour fixer correctement le kayak sur le toit de l'auto et conduire jusqu'au canal de Savière où nous avons rendez-vous.
Quand j'arrive sur place Rikou, Kloo, YANN42570 sont déjà là. Rake51, le local de l'étape, nous rejoind vite. J'utilise volontairement leurs pseudos afin de préserver leur anonymat : ils ont dit à leurs femmes qu'ils allaient passer la journée avec leur maîtresse, alors qu'en fait ils font du kayak entre potes.C'est la première fois que je navigue avec YAN42570 et Kloo. YAN42570 a l'air expérimenté, et Kloo beaucoup moins. C'est la magie de ce genre de sortie : on y croise tous les profiles, et chacun en profite. On se prépare rapidement en s'observant du coin de l'oeil. Ouf, ils ont l'air sympa ! On jauge la taille de nos engins respectifs. Il y a là trois grands kayaks oranges, un moyen orange, et mon moyen bleu.
Il fait frais (5°C) et le temps est légèrement couvert. Je n'ai aucune expérience en matière de pratique hivernale du kayak, alors je me suis équipé avec tout ce que j'avais d'habits chauds dans mon armoire.
On embarque sur le canal de Savières, direction le lac du Bourget. C'est le calme plat. Là où des dizaines de bateaux à moteurs naviguaient en août dernier, il n'y a désormais plus un bruit. Les arbres prennent leurs premières couleurs d'automne sous les rayons d'un soleil qui commence à pointer timidement le bout de son nez. L'ambiance est magique.
Arrivés au lac, nous prenons la direction du château de Châtillon. Nous sommes les seuls bateaux sur le lac, et les baigneurs ont déserté les rochers du bord. Nous croisons juste une famille de vaches en plastiques et les quelques oiseaux aquaphiles qui ne sont pas encore parti chercher chaleur et nourriture plus au sud.
Nous passons sous le pont ferroviaire pour rejoindre un bras d'eau féerique. Les berges humides sont resserrées, et avec un peu plus de chaleur on s'imaginerait presque dans une mangrove.
Malheureusement ce magnifique coin est un cul-de-sac, et il nous faut retourner sur nos pieds pour rejoindre le lac.
Nous longeons la berge est, jusqu'à nous trouvez à la hauteur de l’abbaye d'Hautecombe qui trône fièrement sur la rive opposée. La berge où nous sommes n'est pas la plus belle, avec la route et la voie ferrées coincées entre le lac et la montagne. Mais la lumière magnifique et une minuscule houle bien orientée nous rendent le parcours agréable.
Avant d'attaquer la traversée du lac nous enlevons une couche d'habits, nos bonnets, et nos gants. Désormais la température est agréable. La journée promet d'être magnifique.
A cet endroit le lac fait environ 2 km de large (?). J'ai encore beaucoup de mal à estimer les distances sur l'eau. Tout me paraît plus proche. Je pense qu'un kayakiste expérimenté sait mieux apprécier les distances, et donc le temps nécessaire aux parcours. La traversée est agréable, nous ne croisons toujours aucun bateau.
Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l'Abbaye la brume se dissipe pour mieux nous impressionner. Arrivés à sa hauteur, une cloche se mets à sonner pour annoncer midi. L'abbaye semble déserte, juste animée par les cris de quelques hirondelles qui profitent de leurs derniers jours d'estive dans le phare. Nous faisons une petit halte photo, puis nous reprenons notre route en direction de la grotte où nous pic-niquerons.
J'avais l'habitude des sortie VTT entre amis où les repas se limitent à un sandwich jambon-beurre écrasé au fond du sac entre la pompe et les outils, et une compote en tube en guise de dessert. Avec le kayak on rentre dans une autre dimension ! Nos coffres sont remplis d'un nécessaire complet à barbecue (bois compris), de (trop de) bouteilles gardées naturellement au frais, et de force victuailles alléchants. Ça n'est plus un casse-croute, mais c'est un vrai repas que nous partageons entre amis sur la plage ensoleillée, face au lac et à l'abbaye, avec le feu qui crépite sous nos saucisses au fond de la grotte. Le temps s'arrête pendant une heure. Nous savourons ce moment magique. Je me dis que finalement j'ai eu raison de quitter ma couette ce matin.
Il nous faut tout de même repartir car l'heure tourne et nous avons encore beaucoup de "route" à faire. Nous ré-embarquons. Mes muscles sont raides des efforts de ce matin, et mon esprit un peu embrumé par le rhum arrangé de Rikou. Le lac est d'huile, la lumière magnifique, et nos superbes bateaux effilés fendent l'eau sans effort. Nous fixons le cap en direction de l'énorme poteaux vert qui marque l'entrée du canal de Savières.
Nous avions prévu d'éventuellement arrêter notre balade ici en cas de fatigue. Mais à l'unanimité nous décidons de parcourir le canal jusqu'à Chanaz. C'est une découverte pour certains d'entre nous, mais, même en l'ayant déjà parcouru trois fois, je le trouve toujours aussi magique. Il serpente le long des petites maisons avec pontons et des chemins piétons. Quelques bateaux passent à vitesse réduite. Des martins pêcheurs fuient à notre arrivée. Le faible courant nous pousse vers Chanaz. Tout est calme, luxe, et humidité.
On atteint enfin le port et la digue qui sépare le Rhône sauvage du Rhône navigable. Nous faisons demi-tour vers notre point de départ. Les derniers kilomètres face au courant pèsent sur mes épaules. Il est temps de rentrer.
Peu avant l'arrivée j'aperçois une couleuvre à collier qui prend son bain. C'est le signe que l'hiver n'est pas encore arrivée.
On débarque tant bien que mal sur la berge haute (plutôt mal pour Rake51 qui finit le cul dans l'eau ). On remet les bateaux sur le toit de l'auto, et on se quitte en se promettant de remettre ça vite.
C'était une sacrément bonne journée.
Franchement, je vous conseille d'essayez la rando en kayak. Je vous garantis une sensation de liberté comme vous n'en avez jamais eu.