L'objectif
Ca fait un bail, depuis que je lis 200 en fait, le magazine, que j'avais envie de tenter cette distance.
Il y a encore 3 ans, ce n'était même pas envisageable, pas assez de temps pour rouler. Mais depuis 2022, j'avais ça dans un coin de la tête, il fallait "juste" planifier la chose.
La semaine dernière j'ai donc prévu de faire cette grosse sortie. Je savais déjà quel itinéraire suivre, partir de la maison jusque Saint-Flour puis prendre la trace RBX-Pays de Saint-Flour et retour maison. Facile !
RBX pour Romain Bardet eXperience, soit 4 circuits tracés dans le Cantal, où il roulait (aurait roulé ?) plus jeune. Une sorte de promotion départementale cycliste.
Néanmoins, les 4 circuits, tous différents, permettent de découvrir le département dans toute sa diversité, ils font la part belle aux petites routes (y'en a-t-il de grandes dans le Cantal...) mais aussi au dénivelé positif (plus d'infos là : RBX Romain Bardet Expérience | Auvergne Destination pour ceux que ça intéresserait...). En clair, ça grimpe.
Outre la distance, il y aura donc aussi le dénivelé à gérer, moyenne montagne oblige. La théorie donne +800m pour l'approche et le retour du circuit et +2300m (le gps me disait même 2500...) pour le dit circuit. Soit plus de 3000m de montées.
C'est la deuxième inconnue du jour, je n'ai jamais fait autant de dénivelé sur une journée.
Si je tente, ce sera samedi 24 août...
Jeudi, j'hésite encore. Est-ce que je vais juste au marché pour ramener quelques courses ou est-ce que je m'engage pour la journée.
Vendredi, c'est décidé, je vais essayer...
Les conditions
Comme c'est plus une décision de dernière minute, je n'ai pas vraiment ménagé ma semaine, je suis sorti tous les jours et j'en suis à 250km/+3000m depuis lundi. Pas forcément idéal de rajouter quasi la même distance mais en 1j... Je verrai bien demain matin ce que me disent jambes et état de fatigue... Au pire je prendrais l'air et ferais le marché
Comme les jours raccourcissent pas mal en cette presque fin août, il faut que je parte assez tôt. Et la météo de samedi est aussi prévue à l'orage en fin de journée, pas question d'être encore sur la route si ça craque. Je table un lever à 6h mais je prends 30mn de rab' (je suis spécialiste des levés de we plus tôt que la semaine...), ce sera 6h30.
Je pense mettre 10h plus 1h de pauses diverses. En partant au max à 8h, je devrais être rentré pour 19h.
Je prépare 4 barres, 2 tranches de pain + morceau de Cantal (la base ), 2 fruits, 2 bidons (avec poudre pour faciliter la digestion de l'eau sur la durée). Comme je passerai par des villages (l'avantage de la route par rapport au vtt), je pourrais toujours compléter le ravito et remplir mes bidons...
Pas certain que mon gps tienne la journée, j'ajoute un petit panneau solaire, que je pourrais brancher pendant ma plus longue pause.
Au lit à 22h, si la nuit est bonne, ça fera au moins 8h de sommeil...
Jour J
Reveillé vers 5h mais rendormi tout de même, c'est juste la fin de nuit et la température encore plus fraîche à ces heures là qui m'ont forcé à attendre la sonnerie du réveil.
Quand il sonne, je me demande si je ne resterai pas couché finalement, plutôt que d'aller jouer au cycliste toute la journée... Je me lève quand même...
Même petit déj qu'habituellement avec une tartine supp', pour la route
A 8h20, je suis sur le vélo, c'est parti...
Le soleil commence à sortir de derrière les monts. Qu'il se grouille, il fait 7° et comme je commence par 13km de descente légère, je me pêle un peu, les mains surtout. Ca sent un peu l'automne...
Ne pas oublier, gérer constamment l'allure et l'effort, ne pas partir comme d'habitude, pédaler à l'économie.
Vu que ça descend et que je ne force pas, c'est très tranquille. Néanmoins, je sens que je suis quand même fatigué. Je verrai au fil des kilomètres ce qua ça donne, j'ai plusieurs options de repli si ça s'annonce trop galère.
A Neussargues, première montée pour gagner la Planèze, faite tout en souplesse. La vitesse étant moindre et le soleil continuant à monter dans le ciel, je suis bien.
En haut de celle-ci, je commence à avoir chaud, j'ouvre un peu la veste. A peine 1h après le départ, je la tombe, il fait maintenant 14° et plein soleil, de quoi rouler en court sans craindre le frais.
Il n'est pas 9h et le ciel est déjà laiteux, annonce du temps qui va s'alourdir au fur et à mesure de la journée.
Jusque Saint-Flour, je connais la route par coeur. Après quelques kilomètres sur la Planèze, la vue toujours agréable sur la Margeride, puis descente vers Saint-Flour avant de remonter jusqu'en ville haute.
Je fais l'effort d'aller jusque la cathédrale, vraie point de départ de la boucle RBX. Il est presque 10h.
C'est maintenant le choix.
Soit je fais quelques courses, légumes, fromages et je me trouve une terrasse pour un café tranquille au soleil, avant de rentrer. Soit je pars pour presque 7h, c'est à dire retour ici-même entre 17 et 18h.
Une terrasse et la matinée devant soit, à regarder passer et vivre les gens c'est tentant...
Voir si tous les kilomètres et le temps passés depuis le début d'année n'ont pas été inutiles aussi...
Ca va Bardet
Allez zou, direction le sud du département !
J'ai pas des jambes de feu, les yeux qui piquent un peu quand je les ferme en disent aussi pas mal sur ma fatigue. Pas grave, si ça ne le fait pas, je pourrais zapper une partie du circuit pour revenir plus rapidement et facilement.
Je descend en ville basse, en direction de l'autoroute, du coup c'est un peu chargé question circulation. Ca ne dure que quelques minutes, jusqu'à ce que je bifurque sur une petite départementale. Y'a pas, sans tous ces moteurs, la vie est bien plus calme, silencieuse et sécurisante.
Je passe sous l'autoroute, prochain village, Ruynes en Margeride, en limite de Cantal et Lozère, tout proche du massif du même nom (et du Mont Mouchet, un des haut lieu de la résistance en 44, Mont Mouchet — Wikipédia).
Je n'oublie pas de rouler pépère, je me suis fixé de ne pas dépasser les 130bpm.
Dans une petite montée, je me fais doubler par 2 retraités, on se salue. Réflexe pavlovien du cycliste, je prends leurs roues 140 pulses... Hola, stop de suite, je les laisse prendre leur distance. Economie on a dit...
Mais dans la descente qui suit, je les rattrape. On est en moyenne à la même vitesse en fait.
Détail marrant et très rare aujourd'hui, ils sont tous les 2 en cales-pieds.Ca fait des années que je n'en avais plus vu !
Je leur demande où ils vont, à Lorcières, juste après Ruynes, quasi arrivés donc. Même question de leur part, je leur réponds que je tente un 200, "y aller doucement" réplique le plus cycliste des 2. Pour sûr !
Je me mets dans la roue du plus véloce, tant pis pour le dépassement cardiaque, ça ne durera que quelques kilomètres...
Finalement, en haut de la dernière bosse avant le village, il se gare pour attendre son collègue. En fait il a roulé un peu plus fort parce que j'étais derrière. J'aurais mieux fait de rester seul
Je passe le camping municipal du village (pour l'avoir testé, ceux qui aiment les coins tranquilles et avoir de quoi rouler/balader, peuvent retenir l'adresse...) avant que ça ne descende.
C'est sympa les descentes, des kilomètres gratuits, sans efforts, même si on sait que derrière ça remontera...
Quelques minutes plus tard, j'arrive au Viaduc de Garabit, célèbre premier ouvrage de Gustave Eiffel où il mettra en oeuvre sa technique "mécano".
Je profite de l'arrêt photo pour manger une demi barre, le petit déj' est déjà assez loin, ça commence à creuser. Je resterai bien là à contempler assis au soleil sur le muret mais j'ai encore de la route... 5mn max du coup.
Il est environ 11h et il fait déjà 27°, ça commence à chauffer sévère et comme la route monte assez souvent, rien à espérer en vitesses suffisantes pour être un peu rafraîchi.
Après le village de Faverolles, la route descend jusqu'en bord de Truyère, avant de remonter rapidement sur le contrefort opposé, une fois celle-ci franchie à nouveau.
Elle mène ensuite au cirque de Mallet qui offre un point de vue panoramique et sympathique, qui permet de bien se rendre compte de toute la vallée qui a été inondée par la mise en barrage de la rivière.
J'en suis à environ 70km depuis le départ de la maison, pas encore à la moitié. Et les kilomètres défilent de moins en moins vite je trouve. Rien de nouveau, surtout sur route, les descentes sont toujours trop courtes et rapides... Un coup de pédale après l'autre, ça avance malgré tout.
Je suis sur les dernières pentes du Cantal, un peu plus au sud et je me retrouverai sur l'Aubrac. Je peux voir au loin dans la brume de chaleur les Monts du Cantal, vus depuis le sud, habituellement ils se trouvent à l'ouest pour moi, ça change le paysage et les repères. En tout cas, ils semblent très loin et moi aussi, j'arrive bientôt au point le plus au sud du circuit et donc le plus loin de chez moi. Mais... ça va vraiment être long de rentrer !
Impasse
Je termine ma barre énergétique, ce serait balot de faire une hypo aussi loin...
Les paysages sont superbes, manque juste un peu de contraste pour les voir encore mieux et il n'y a quasi pas de circulation, c'est un bonheur de rouler sereinement (pas trop tout de même, une voiture dans un virage peut vite arriver) et au calme.
J'entame une descente de plus de 5km, qui me permet de souffler et de me lever un max. Un petit coup de cul m'amène ensuite à la petite ville de Chaudes-Aigues, connue pour sa source d'eau chaude à 80°.
Il est presque midi, il ne fait pas encore cette température là mais les 30° sont dépassés. J'ai 88km au compteur et ~1100m de d+. Il me reste donc 112km et +2200m à faire. C'est l'heure de la pause casse-croûte et des réflexions...
Je me mets à l'ombre de la Chapelle Notre-Dame de Pitié (je ne l'implore pas encore ) et sors mon sandwich. Tout en mangeant, je fais le point. Je sonde mes jambes, ça commence à piquer un peu alors que je ne suis pas à la moitié, kilomètres comme déniv'.
Soit je joue au c.. et je serrerai le moteur à Saint-Flour max, et encore il reste +80km pour la rallier, et je devrais demander à ma femme de venir me récupérer (ou au Samu ).
Soit je fais l'impasse sur la partie ouest du circuit et reprend en direct la route vers Saint-Flour, et rentre en vélo jusqu'Allanche, ce qui n'est pas pour autant tout près et plat non plus.
Le truc chiant c'est que cette route est l'axe principal entre le Cantal et l'Aubrac. Mais bon, même en période estivale, ça reste une départementale, fréquentée donc mais pas non plus surchargée,. J'y serais tout de même moins tranquille que les routes du matin.
Vu le nom de la ruelle juste à côté de la chapelle, je prend ça comme un signe Soyons raisonnable.
J'avais repéré bien avant cette possibilité sur le circuit, mieux vaut avoir un plan B parfois... Je finis mon pain, attaque une banane en regardant passer les voitures.
Un gros quart d'heure de pause et je repars. Je sors de la ville par une descente et j'estime être à ~20km de Saint-Flour. Perdu, au bas de la descente un panneau m'indique 27km
Donc il me reste 60km jusque la maison et pas mal de dénivelé. Ce qui ferait 150km au final. Même en bâchant, c'est encore loin !
Il va falloir être patient et ne pas griller les étapes. La première c'est de rallier Saint-Flour, d'y faire une bonne pause et un nouvel état des jambes...
Par contre, je connais la route et les 10 prochains kilomètres vont être pénibles... Je passe une dernière fois de la journée la Truyère au niveau de Lanau et commence la montée qui s'annonce longue... plus de 6km...
Il fait de plus en plus orageux et la température, avec la route en plein cagnard et la paroi rocheuse qui la borde, oscille entre 32 et 35°. Pas un pet de vent, il est au sud et je remonte plein nord. J'avais bien regardé ce facteur la veille et c'était top de l'avoir dans le dos pour le retour, par contre pas la peine d'espérer un peu d'air. On ne peut pas tout avoir.
Les premiers kilomètres sont les plus pentus. Ma vitesse oscille elle entre 9 et 12km/h, au gré des fluctuations de la pente. Mes pulsations par contre, sont en constante augmentation, à l'inverse de la longueur de mon braquet, qui diminue de plus en plus...
Je frôle le 170 en étant à peine à 10km/h sur du 40x40 ! Put... ça va être vraiment long... Je sue abondamment, forcément.
Debout, assis, debout,... chaque coup de pédale me rapproche du sommet. Je passe l'embranchement vers Neuvéglise sur Truyère, le plus gros de la côte est fait. Encore une partie bien pentue et j'arrive sur un replat, je suis de nouveau sur la Planèze. La route est maintenant une longue ligne droite mais j'avance plus facile.
Village des Ternes passé, encore une bonne montée, et après quelques kilomètres j'entre dans Saint-Flour ! Les jambes et le cardio vont mieux.
Je pensais prendre un Perrier frais en terrasse mais j'ai trop soif, direction le supermarché. Je laisse mon vélo à l'entrée et ressors avec 1l de Saint-Yorre. Rien de mieux pour bien se réhydrater.
Je squatte une table de jardin exposée devant le magasin, à l'ombre et sors mon second sandwich et mon dernier fruit. Je me réhydrate avec le reste de mon bidon et fais le plein de celui-ci avec la Saint-Yorre.
Je prends le temps de souffler, je dormirais bien sur ma chaise plastique... bercé par le son du festival de métal en cours, qui remonte de la scène toute proche en contre-bas.
Retour maison
Il faut bien penser à repartir. Je remets le salon de jardin en ordre et remonte sur mon vélo... Dernière "ligne droite", 33km et +500m et ce sera terminé... Il est un peu plus de 14h, point le plus chaud de la journée
Avantage et inconvénient, je connais la route par coeur, je sais donc où je vais galérer... Déjà juste en quittant Saint-Flour...
Ca descend d'abord, c'est gratuit donc, puis ça remonte, retour sur le rapport 1:1 et patience... Bien qu'éloigné déjà, j'entends encore des bribes basses fréquences du concert en cours.
Chaque minute qui passe me rapproche du but. J'ai mal aux jambes mais le sandwich et la pause m'ont fait du bien. Le cardio monte moins et j'arrive à emmener quasi le même braquet que lorsque je fais l'a/r classique pour venir à la ville.
Je passe Talizat, quelques faux-plats dans les 2 sens, quelques courtes montées et arrive la descente vers Neussargues.
Je traverse le village puis la nationale pour la dernière "rampe" et Allanche, 13km et +200m. Cette portion-là je la fais les yeux fermés... 3 petites difficultés à passer, mais qui sont très souvent pénibles car en fin de parcours et ce sera bon. Je roule toujours à bon rythme, presque à regretter d'avoir zapper une partie du parcours. Le cerveau oublie très vite
Je rentre dans Allanche, je suis à 146 et quelques kilomètres. Mince, je pensais avoir pile 150. Pas possible de finir comme ça.
Je sors du village pour un petit tour supp' par le plus proche lieu-dit. Je dépasse l'ancienne gare, argh il me manque encore 800m et la maison est à 100. Je continue jusqu'à une autre sortie du village, fais demi-tour et j'arrive, enfin !.
J'ai 150,5km, je suis allé trop loin et presque +2200m. Il est 16h30, je dépose mon vélo.
Je suis parti 8h10 et j'ai roulé 7h15. A part en vtt, jamais fait de sorties aussi longues.
L'orage monte mais je suis rentré large, il pleuvra vers 20h...
Bilan
C'était une première, pas forcément bien préparée. Je savais quasi en partant le matin, compte-tenu du parcours et de ma semaine, que je risquais de ne pas le faire entièrement.
Ca m'a permis de constater que je n'étais pas loin et d'adapter plusieurs choses pour une prochaine tentative.
J'avais pris 2 bidons de 75cl, en tablant sur une recharge dans les villages, fontaines ou cafés. Mais du coup, je me suis trop retenu de boire. La prochaine fois, je prendrais 1 bidon poudré au GrosCuissot4000 et une poche à eau avec 3l + quelques comprimés pour refaire le bidon sur la route.
De même, j'avais pris 3 (Mule)barres, 2 tranches de pain (du qui tient au corps tout de même), une tranche de Cantal et 2 fruits. Là aussi en me disant que je pourrais acheter un supplément sur la route si besoin. Je suis revenu avec 2 barres. Je n'ai pas fait d'hypo, j'arrive à rouler 100km en tenant sur le petit déj, mais je ne me suis pas assez alimenté.
J'ai vu la différence de rythme sur le retour de Saint-Flour après avoir mangé. Donc mangé plus, même si la faim ne tiraille pas vraiment.
Eviter aussi de partir lorsqu'il fait fort (trop) chaud. La météo indiquait 25° sur Allanche pour le samedi, tu parles il faisait 29° à 16h quand je suis rentré...
Ca épuise bien, même si je résiste assez bien à la chaleur. Tabler sur 20° ce serait pas mal.
Bien qu'ayant eu mal aux jambes, assez rapidement, je n'ai eu aucune crampes et je ne termine pas sur les rotules. C'est positif, ma gestion de l'effort a été raisonnable.
J'ai même pu faire 30km pépère le dimanche. Fallait pas tenter d'accélérations pour autant, le réservoir était bien bas...
Mais comment font les participants d'ultra et autres courses de longue haleine pour reproduire plus que ça plusieurs jours d'affilée ??
Ca me questionne. J'ai une endurance plutôt bonne, pareil pour la résistance mais je n'imagine pas réitérer ce genre de grosses sorties sur plusieurs jours.
Septembre arrive, il y aura encore de belles journées, même si plus fraîches et plus courtes.
Reste plus qu'à prévoir un nouveau créneau... déjà pour les paysages et la tranquilité.