Pour ma part ayant eu quelques avanies personnelles depuis mon inscription, je n’avais ni le physique, ni le mental pour m’élancer sur le 70km. Mais abandonner m’aurait vraiment frustré. J’ai donc échangé mon dossard pour partir sur le 45km.
Départ donc de Ste Catherine, qui est au point 25 Km sur le parcours. Le speaker nous explique que cette saintéLyon VTT est une première et que nous allons faire la copie conforme à l’épreuve trail qui a lieu l’hiver. Sur l’aire de départ commence à se réunir les coureurs et les randonneurs. Il y a de tout comme matériel. Je suis surpris par quelques pièces de collection des années 80 (un antique Peugeot à Cantilever ou un Giant Boulder des années 90 quasi neuf), un Xcontrol survivant et même des DKT VTT54 team replica !!.
Un joueur est là en full rigide et single speed, pas mal d’affutés en machines Xc full carbon et un gros groupeto de vttae. Il faut dire pour ces derniers qu’ils ne sont autorisés que sur le 45. Peu de nanas. Le gros du troupeau est constitué de quadras en TS 29", je dois être en minorité avec mon SR et le seul en Ti.
Même si c’est une rando, le départ façon course et avec autant de monde -nous sommes 750 en rando et 150 en course- met un peu la pression. Au fur et à mesure que 21H approche les conversations s’arrêtent et on s’approche de la zone de départ tout en se concentrant. A 21H c’est le départ qui est donné pour les compétiteurs. Puis la 1ere vague de randonneurs. Je suis sur la 1ere ligne de la 2eme. 21H08 c’est parti !!!
On nous l’a répété, on va tout de suite être dans le dur avec une montée de 5km sur le Signal qui est le point culminant de la randonnée à + de 900M d’altitude. Je suis décidé à gérer la montée, d’autant que les 1ers kilomètres risquent d’être chargés. Mais j’ai dû merder quelque part car dès le 1er coup de cul en sortant de Ste Catherine je suis dans le rouge écarlate. Impossible de trouver mon rythme, mon souffle, mes jambes. Panique au moral et pas 1km au compteur ! Plan d’urgence : j’évacue l’idée de lancer un SOS à ma femme qui doit encore être au village pour un rapatriement et je pose le pied à terre. J’observe le troupeau qui passe en mode exode. Personne n’est vraiment dans le rythme. Finalement je ne suis pas seul… Je repart le couteau entre les dents bien décidé à ne pas lâcher l’affaire. En haut de la montée on a de la visibilité.
C’est un long cordeau de bikers les uns derrières les autres. Je me cale sur celui qui précède et laisse passer les impatients. Je sais que sur ce genre d’événements les difficultés feront le ménage dans la troupe. C’est toutefois assez difficile de tenir son rythme dans cette foule. Les premiers gros raidillons voient apparaitre les premiers marcheurs. Puis nous sortons sur un espace dégagé. La nuit commence à tomber et je vois apparaitre devant moi un long serpent lumineux rouge qui grimpe au milieu des champs de blé avant de s’engouffrer dans une forêt.
Le chemin est plus large, on peut dépasser mais la pente est raide. Je ne double que si celui qui me précède se traine ou marche. Je ne me fais pas trop doubler, ce qui compte-tenu de mon niveau nullissime en montée démontre que les autres en c…. aussi. On grimpe sans arrêt depuis le départ. Dans la forêt le chemin est moins cassant. Les écarts augmentent entre participants et on roule plus confortablement. Il fait terriblement lourd. La pente s’inverse. Le ciel est noir et on distingue des éclairs. Une première descente dans un beau single est gâchée par le nombre. On se traine à la queueleuleu. Je sens quelques gouttes. La montée suivante est terrible et se transforme en poussage généralisé. Quelques gros mollets passent sur le vélo ou des vae dont on entend le moteur forcer. Encore quelques gouttes. Puis lorsque la pente d’adoucie et que je remonte sur le vélo, j’entends une demande pour passer à gauche, appuyée de plusieurs « s’il vous plait » sur un ton presque enjoué. Il est 23H et la tête de course du 70km est sur nous. Les deux types passent comme des avions sans sembler forcer ! Une dernière montée et nous arrivons au Signal.
Le Signal, pour ceux qui ont été au LyonNet est un point de vue que nous avions été visiter. Pleins de bikers font la pause, admirent la vue de Lyon de nuit. Les barres sortent des sacs, les groupes se reforment, on attend le copain qui est resté derrière. Je profite que les concurrents soient arrêtés pour attaquer la descente. Là gros changement, car je suis quasi seul. Plus de sherpa devant moi, il me faut gérer seul ma trace dans un noir d’encre. La première descente est facile, un peu de bitume, puis les baliseurs indiquent un single. Je plonge dedans avec régal. Je me sent mieux, il y a de l’espace entre les pilotes, le chemin a l’air beau. Dans le pinceau de ma frontale je distingue quelques obstacles. Le Sunn se place au millimètre. J’adore ce bike, précis, confortable. Les XT sont des horlogers Suisses mâtinés de dogues Allemand ; précis et mordants. Je maîtrise cette descente qui devient de plus en plus technique et cassante. Tout à coup une grosse alerte OTB. Je sens que ma petite Reba est dans ses limites. La nuit tous les chats sont gris ; la descente doit être beaucoup plus technique que l’obscurité ne le laisse voir. Je m’aperçois qu’il y a pleins de pilotes en déroute sur le côté. Ça descend à pied ! Et moi qui suis selle haute !!! Je gère autant ma descente que d’éviter les trainards. Corolaire, les TS et en particulier les gros débattements me mettent la pression tant je ne suis pas capable de tenir leur rythme. De plus en SR je dois choisir ma trace et je change de direction là où un TS mange l’obstacle, ce qui me rend difficile à doubler. Arrêt pour laisser passer. Je repars. Difficile sans vitesse. Et quel con !!! Je n’en ai pas profité pour descendre ma selle. Je veux signaler à un concurrent à pied de se pousser. Mince ma sonnette est cassé … l’idée d’avoir pété ma sonnette m’envahi. C’est con ce n’est pas le moment. Je suis à la ramasse, au bord de l’OTB mais je m’accroche quand un « marcheur » se décale devant moi. Je pile pour éviter un TS qui débaroule sur ma gauche. Et mer…… !!! Je rejoins la cohorte des marcheurs, impossible de repartir là-dedans. Je fulmine d’avoir d’être à pied. Quelques mètres plus loin je trouve une zone favorable pour remonter sur le vélo et je termine la descente sur le vélo. En bas un gros poste de secours et du monde dedans…c’est pas pour rien qu’ils sont là.
Cette descente a bien fait le ménage. On roule bien maintenant. J’ai trouvé mon rythme. En montée je garde le contrôle – inutile de se griller – mais je double pas mal de concurrents. En descente je me régale et je compte les vélos que je dépasse … 1…2….5…10 ! Je me fais aussi doubler, souvent par des plaques jaunes : les compétiteurs du 70. Souvent sur des bouts de bois en carbone, pas de sac. Ces types sont impressionnants tant ils vont fort et vite, même dans les parties cassantes. Les montagnes russes se succèdent. Comme pour le LyonNet la zone n’offre que deux alternatives, up and down. Dans un poussage arrive ce que nous craignons tous depuis un moment. L’orage qui nous tourne autours depuis un moment crève et les premières gouttes tombent. Dans le pinceau de mes phares elles explosent en une gerbe de poussière sur le sol sec de cette canicule. Personne ne semble prêter attention à ces gouttes mais ça ne rigole plus dans les rangs. Bientôt la couverture des arbres ne nous protège plus et c’est une pluie drue qui nous tombe sur la gu…… . Je sors mon coupe-vent pour tenter de me protéger et garder mon maillot le plus sec possible pour la suite, je veux éviter d’avoir froid. Je reprends le poussage. Ca ruisselle dans la pente. Je fixe mon attention sur le pilote qui me précède et qui pousse en silence son bike. Il est trempé. On est tous trempés. Le moral en prend un coup. Un orage, par définition ça ne dure pas, hein ?? En haut la pluie semble s’être calmée. Je remonte sur le vélo. Une petite route en bitume. Elle est envahie de terre et de sable, signe du ruissèlement et de la violence de l’orage. Le ciel se dégage un peu sur ma droite. Dans mon phare l’eau évacuée par mon pneu. Je commence à sentir la fatigue « mais il est où ce put…. de ravito ». Le type à côté de moi a le même cri du cœur. On roule tous les deux. Kilomètre 25 et il est plus de 23H. On ne l’a pas loupé quand même ?? Enfin le panneau qui annonce l’entrée du village. Au détour d’une courbe du public qui nous encourage. Des tentes. Enfin le ravito ! Je recharge mes batteries. Sucré, salé, du coca. Je prends mon temps. La tente atelier de Probike Shop tourne à plein régime. Les volontaires sont à fond pour fournir les tables du ravito qui se vident plus rapidement qu’ils ne parviennent à les remplir. Encore quelques fruits secs et je me décide à repartir. Il est plus de minuit.
La suite est plus calme. Les montées moins ardues et surtout beaucoup de descentes plutôt roulantes. Je m’amuse à arsouiller. Parfois je roule de longs moments seul. On commence à voir au loin la ville. Il y a de plus en plus de partie en bitume. Ça m’arrange et je ne dois pas être le seul. En haut des montées se forment de plus en plus des groupes qui font des pauses de plus en plus longues. Un petit groupeto se forme, on roule ensemble, on se double, on se redouble aux grés des montées et des descentes. Virage en épingle ; on nous annonce la dernière difficulté de la randonnée, la montée du chemin des lapins. Des lapins je n’en ai pas vu. Par contre tout le monde pousse. En haut, des marches. Ca arrête les VAE qui sont les seuls à grimper. J’ai les cuisses qui brulent à la moindre montée mais j’ai encore du jus. Pas de signe de crampe à l’horizon. On arrive à la limite d’Oullins, je reconnais l’endroit. On est presque arrivé !!! Sauf que nous voilà reparti dans l’autre sens. Un chemin et une traversé de parc. Tiens il y a une forêt ici ? Des escaliers. Faut porter. On repart. Passage d’un gué. Zut j’ai les pieds trempés. Ici la pluie a du se déchaîner, le chemin est très boueux. On traverse une zone d’immeubles. Les carrefours sont sécurisés par des volontaires. Merci les gars ! Une bande de jeunes du quartier s’est réuni à l’abri sous une avancée et joue les supporters à notre passage. On descend un passage très raide. Traversée de route et on arrive au pied de l’aqueduc romain. La montée qui s’en suit a du en achever plus d’un. Un immonde raidard qui semble ne pas avoir de fin. En haut on nous indique de tourner à droite pour la …dernière montée !!! Popopopopo…on ou a déjà fait le coup ! On grimpe dans une zone lotie où on entend des rires et le brouhaha de fêtes de plusieurs maisons ; contraste de jeunes gens en maillot de bains ou tenue de soirée et de bikers crottés et boueux. On n’est pas venu pour rien, au sommet on attaque un dernier single. Mais nous sommes arrêtés dans notre élan par une chute. Une nana sort hagarde du fossé bétonné qui longe le single. Je reconnais la bikeuse qui était à côté de moi au départ. Pas de gros bobo mais une belle peur. J’atteins les escaliers qui débaroulent sur la Saône. En SR je m’abstiens de les prendre sur le vélo. D’ailleurs très peu le font sur le vtt. Et en bas beaucoup le regrettent ; c’est la foire des crevaisons. Un dernier portage sur un escalier pour atteindre le pont de la Mule et nous voilà canalisé entre des barrières métalliques. Passerelle Raymond Barre, le parc de Gerland et la dernière ligne droite. Un public clairsemé nous encourage. Une camionnette de l’organisation s’arrête devant moi. En descend un groupe d’éclopés sous des couvertures de survie, avec des bras en écharpe ou des pansements. Je d’éclipse. Il est 2H08, c’est fini. 48.6km, 1168m de D+ et beaucoup plus de D-, 4h25 de selle.
Il me restera à prendre quelques forces au ravito avant de rentrer à la maison en vélo, douche et collation devant une bière fraiche en échangeant avec Seb par sms, il vient d’arriver après 70km en mode course et une moyenne de 13kmh, 9mn derrière son pote JB, l’avion de chasse qui était venu avec nous à l’OisanNet. Chapeau l’artiste !
Il est fort probable que je revienne en 2018. Mais il me faudra décider si je tente le grand tour. Mais randonner de nuit donne une dimension tout autre à la sortie. Les passages dans les monts du Lyonnais sont toujours aussi physiques et parfois techniques et rien que pour cela ça vaut le coup. Côté organisation il y aura des choses à revoir, peut-être la gestion des vagues et la qualité des ravitos et leur impact écologique (pourquoi ne pas utiliser des verres réutilisables comme dans beaucoup de randonnées ?), balisage au top et sécurisation parfaites.